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Madness

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Dardelune's avatar
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J'ai envie de hurler. Mais hurler, genre un vrai hurlement, de ceux qui 'glacent le sang' comme dans les films. Enfin, glacer le sang, c'est pas réaliste, en plus quand on entend un hurlement de ce genre le coeur s'accélère, alors pour glacer le sang on repassera hein... Bref, vous voyez quoi, ces hurlements ignobles, inhumains, comme des cris de porc auquel on fait comprendre qu'on va l'égorger avant de le faire, qui voit la mort en face, et qui la crie, mais comme un humain, histoire de culpabiliser ses bourreaux. Bref, j'ai envie de hurler. Je vais le faire d'ailleurs.

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!

- CAROLINE, c'est la troisième fois maintenant, vous prenez vos affaires et vous sortez IMMEDIATEMENT !



C'est vraiment trop injuste.


***


Qu'elle est conne, c'est pas possible. Je crois que cette fille est timbrée. Elle hurle en classe, ou alors elle ne dit rien, et reste tellement silencieuse qu'on ne se rend même plus compte qu'elle est là. Vraiment bizarre... Parfois, le prof l'interroge, et elle répond tout le temps à côté de la plaque, surtout quand ça suite une phase de silence. Je me souviens de cette fois où, en français, on parlait du point de vue du narrateur, et quand la prof lui a demandé quel était le point de vue du narrateur dans un texte de Zola, Caroline n'a rien dit, puis s'est levée d'un coup et a crié :

"De toute façon je n'aime PAS les voyages en avion !"


J'avais trouvé ça très drôle, parce qu'à côté de moi Julien avait sursauté avec un cri si aigu que même moi je n'aurais pas pu en faire un semblable. Je crois que Julien est gay, mais ce n'est pas à moi de le lui demander, quand bien même nous sommes très proches tous les deux.


***


Je ne suis même pas surpris. Suis-je le seul à observer Caroline et à savoir dans quel état elle se trouve ? Il était évident qu'elle allait encore péter un câble, elle était fébrile pendant le cours, comme si quelque chose qu'elle ne pouvait pas saisir la démangeait.
Caroline je la connais par coeur. Je l'observe, je lui parle de temps à autres. Pas trop, elle pourrait s'en sentir agressée et je ne le veux pas. Je la connais aussi bien qu'elle se connaît maintenant. Nulle condescendance là-dedans, elle en reste toujours plus intelligente et plus... plus quoi ? Plus tout. Cette fille est complète, à la fois raisonnée et déjantée, belle et laide, naïve et perspicace, intelligente et novice... Elle est tout, vraiment tout, c'est ce qui la rend si torturée, si artiste sûrement. Peut-être est-elle schizophrène... Je n'en sais rien, je ne demande qu'à en savoir plus.

J'irai la chercher devant la salle de permanence tout à l'heure, ça devrait lui faire plaisir.


***


La petite maline, elle fait vraiment tout pour pourrir mon cours. Elle crie, elle montre ostensiblement qu'elle se fout de ce que je dis pour me déséquilibrer... Mais je ne me laisserai pas faire, non, c'est décidé. Derrière ses airs d'adolescente mal dans sa peau, je sais qu'elle n'aspire qu'à faire souffrir tout le monde, une torture lente, et j'ai bien l'impression qu'elle s'acharne sur moi. Je suis pourtant bon prof, très bon même. Mes élèves m'apprécient, mes cours sont en général intéréssants, je suis respectée. Pourquoi s'acharne-t-elle alors à me rendre fou cette gosse ? Je suis sûre que là, en ce moment même, en salle de permanence, elle se demande quel pourra être son prochain mauvais coup... Oh, je dois me tenir prêt et ne rien laisser passer, rien, ou c'est la fin.


***


Dingue ça. Je me suis encore fait virée de cours. Les autres bavardent à longueur de journée et ils se font reprendre. En proportion, je trouve qu'ils font finalement en 24h autant de bruit que moi en quelques secondes. Et c'est moi qu'on punit ! Dingue. Vraiment. Complètement dingue. Bon, je suppose que je dois aller en perm'. Quelle crasse, je n'ai rien à faire ! Peut-être que je vais dessiner. J'adore dessiner. Bon je dessine mal, mais ça permet quand même de porter des émotions, même si la fille a une jambe pas en perspective, ou qu'elle est bossue. Et les bossus ce n'est pas laid. Les gens trouvent ça laid parce que ce n'est pas normal. Mieux, ils trouvent ça laid parce que ce n'est pas ce qu'ils s'attendent à voir. Les gens n'aiment pas l'original, le nouveau, tout ça... Le pauvre marquis de Sade a eu bien des problèmes à cause de cela d'ailleurs.


***


- Elle pète toujours un boulon au moins une fois par jour elle...
- Claiiiiiiiir, t'as vu ? Ca doit être, mais genre, TROP intenable de vivre avec elle quoi !

Dieu qu'elle parle mal. Pourquoi cette fashion sans cerveau m'adore-t-elle ? Je n'ai rien demandé. Mais apparemment, en tout cas d'après Sophie, je suis beau. Elle ne me mentirait pas, c'est ma meilleure amie, et puis on ne ment pas aux gens sur la cause de quelque chose d'ennuyeux.

- Elle est folle non ?
- Non, elle est différente.
- Différente ? Parce qu'elle pousse des cris en classe ? Franchement t'abuuuses, elle est juste tarée cette fille !

Je ne vais même pas répondre. Enfin me voilà bien coincée, entre une adolescente crétine et un prof soporifique, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Ecrire ? Impossible, la glu qui me sert de voisine va vouloir lire par dessus mon épaule, et cela va m'énerver. Non là je ne suis pas énervée, juste irrité. Je n'irais quand même pas leur dire que je suis parfois aussi fou que Caroline...

- Dis t'as fait ton espagnol Arthuuuur ?

Pourquoi se sent-elle obligée de se pencher ? Elle met toujours trop de parfum, et ne semble pas comprendre que son décolleté me fait plus froid que chaud. Bien sur que j'ai fait mon espagnol.

- Non, tu m'apprends qu'il y avait quelque chose à faire...

Un sourire séducteur, et ça passe tout seul. Mais je n'ai pas le temps de voir sa réaction.

- Arthur Dégo ! Vous croyez que ce n'est pas assez d'avoir une élève hurleuse, il faut en plus que vous bavardiez avec votre voisine pour achever de m'énerver !
- Dago...
- Pardoooon ?
- C'est Dago monsieur !
Il le fait exprès, on est quand même en mars.
- Grand bien vous fasse, je me fiche bien de la prononciation de votre nom ! Prenez vos affaires et sortez, je ne suis pas d'humeur à tolérer l'impertinence !!


***


Oh, pas de bol, Arthur vient de se faire virer. A côté de moi Julien ricane. Il n'aime pas Arthur, car Arthur est très beau, et lui fait de l'ombre au niveau popularité fashion. Hélas pour Julien, Arthur a cette beauté qu'on ne surpasse pas, ce détachement qui rend les gens admiratifs et baveux devant lui. Il ne s'habille pas à la mode, mais toutes les filles surmaquillées et surtalonnées le suivent à la trace dans l'espoir de le séduire. C'est peine perdue. Moi aussi je l'aime bien Arthur. Cela ne le dérange jamais que je le regarde. J'adore fixer les gens, et d'habitude ils finissent par se sentir mal à l'aise. Arthur, non. Ce n'est pas qu'il est habitué, ou je ne sais quoi. Il s'en fiche, tout simplement, et je peux le regarder à loisir. C'est presque une volonté que j'ai de découvrir ce qui est si beau en lui. Pourtant cela ne me fait ni chaud ni froid quand il vient me parler. Je suis une des rares à qui il adresse la parole de lui-même. Je le sais pour l'avoir observé, quand il est entouré de la bande de pétasses. Il ne fait que répondre.
Il va en permanence. Là je serais presque jalouse de Caroline.



***


Oh non, Arthur vient d'entrer dans la perm. Ce mec est fou, complètement chtarbé. Evidemment je ne peux le dire à personne ! Qui me croirait ? Il est entouré de gens populaires, normaux, un tantinet superficiels... Mais lui non, il est différent, c'est tellement visible que ça ne m'étonnerait pas que cela soit marqué sur son front. Pourtant tout le monde lui parle, contrairement à moi. Mieux que ça, ils l'admirent, l'adulent, le déifie. Mais ouvrez les yeux, c'est sa folie qui le rend beau !
J'enrage. Pour ensorceler un monde il faut un visage harmonieux, et une folie dosée, du moins en public. Je n'ai rien de tout cela, mon visage est laid, en plus je ne me maquille jamais. Et pour la folie, faut pas m'en parler. Je ne suis pas plus folle qu'Arthur, mais moi je ne le cache pas au moins. Lâche.
Non, ne t'assoies pas à côté de moi !
Répugnance, il l'a senti et s'est assis quand même. Je veux me lever mais je suis coincée entre le mur, la table et lui. Le surveillant surveille la salle avec attention, guettant le bavardage récidiviste des élèves présents. Je ne peux rien faire là.
Je suis coincée. Traître de sale beau fou. Je me vengerai tiens.


J'ai encore envie de hurler.
Un petit texte à la con, sur le vif...
© 2009 - 2024 Dardelune
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Sitrouilhe's avatar
AAAH ! Le revoila !! C'est mon texte préféré, de toi, je crois <3 !